INTERVIEW. Par méconnaissance des placements et des risques encourus, de multiples épargnants sont victimes d'arnaques aux produits financiers, mettant en avant des offres toujours plus attractives. Anne-Claire Bennevault, fondatrice et dirigeante de BNVLT et spécialiste de l'éducation financière nous délivre ses conseils pour les éviter.
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Démocratiser l’accès à la recherche économique et la culture financière. Voici ce que tente de mettre en place Anne-Claire Bennevault, spécialiste de la digitalisation du secteur financier. Convaincue que les questions économiques doivent être rendues plus accessibles, la fondatrice et dirigeante de BNVLT, cabinet conseil dans l’accompagnement des marques du secteur financier a lancé Spak, un média alternatif décryptant l’actualité économique sur un ton décalé et pédagogique. L’objectif de ce projet à l’ambition sociétale est de contribuer à l’éducation financière du plus grand nombre, afin de lutter contre les arnaques financières en ligne, qui ne cessent de bondir.

Plateformes d’investissement illégales, propositions de formations sur les réseaux sociaux… Nombreux sont ceux à tomber dans ces pièges. D’autant que "seuls 19% des Français disposent d’une bonne éducation financière ce qui favorise les escroqueries et mauvaises décisions d’investissement", nous dévoile-t-elle. En effet, selon une récente étude de la Banque de France, le niveau de connaissances financières théoriques des épargnants ainsi que leurs attitudes et leur comportement face aux situations pratiques (gestion d’un budget, suivi des comptes bancaires, placement…), n’est pas brillante.

Placements : une culture financière insuffisante

D’ailleurs "69% des Français jugent leurs connaissances moyennes ou faibles sur les questions financières", pointe le rapport. Si ce score est en amélioration par rapport à la précédente enquête menée en 2018 (77%), "sur le terrain des arnaques, 9% disent avoir fourni accidentellement des informations financières en réponse à un e-mail ou un appel frauduleux, et 6% ont investi dans un placement qui s’est avéré être une escroquerie."

D’après une autre étude réalisée à la demande de l’Institut pour l’Éducation Financière du Public (La Finance pour tous), en partenariat avec l’Autorité des Marchés Financiers, "nos concitoyens peinent à maîtriser des concepts pourtant élémentaires en la matière".  Par exemple, seuls "52% connaissent les principes d’un dividende" et "80% reconnaissent qu’ils sont un peu perdus en matière de placements financiers.

Nombreux sont ceux qui, d’ailleurs, aimeraient être mieux formés : 79% souhaiteraient en apprendre davantage en matière de finance au cours de leur scolarité et 77% sont réceptifs à la possibilité de suivre une formation dans leur entreprise. Ces attentes sont sans doute amplifiées par les inquiétudes que génèrent actuellement les menaces autour de la zone euro et la dette des États", peut-on lire dans l’enquête.

L’ampleur du phénomène est tel, qu’il a poussé le Parquet de Paris, l’AMF, l’ACPR et la DGCCRF à se réunir, le 13 décembre dernier, afin d’alerter sur l’augmentation des arnaques aux placements financiers. Comment les repérer ?

Arnaques financières : méfiez-vous des offres trop alléchantes

Formations gratuites, investissement en bourse 100% gagnant, rendement élevé…"Quand c’est trop beau pour être vrai, c’est que ce n’est pas vrai", prévient Anne-Claire Bennevault.

"Très souvent, les annonces mensongères mettent en avant des témoignages de personnes lambda filmées face caméra chez elles. Elles détaillent leur expérience en vantant les résultats exceptionnels du produit ou de la formation qu’elles ont suivie, afin de créer une forme de complicité et de confiance avec un public facilement influençable, en manque d’éducation financière", détaille l’experte.

"Ces vidéos sont généralement postées sur les réseaux sociaux, et diverses solutions y sont proposées : livres, formations, inscription à des webinaires en ligne. Au départ, tout est gratuit, puis une fois que l’interaction devient privée, les offres deviennent payantes. Malgré des campagnes d’alerte, il devient difficile pour les acteurs du marché de tout contrôler. D’où l’importance d’avoir un discours et un projet d’éducation financière en se mettant au niveau de l’audience", note-t-elle. Car les risques sont nombreux…

Arnaques financières : vol de données et grosses pertes d’argent

"Le grand public ne semble pas réellement conscient des risques encourus. Si, lorsqu’on investit sur un produit que l’on connaît mal, on peut perdre gros, dans le cas d’une arnaque, il y a bien plus qu’une simple perte pécuniaire. Les escrocs, qui usurpent parfois l’identité de vrais conseillers patrimoniaux ou plateformes via des publicités ou mails frauduleux, peuvent également vous voler vos données personnelles", prévient la dirigeante de BNVLT. Il est donc primordial de ne jamais dévoiler vos données bancaires et autres informations importantes.

"Lorsque vous êtes approché par des conseillers, attention, veillez à toujours vérifier leur identité. D’ailleurs, généralement, les véritables conseillers financiers ne vous contactent pas, c’est vous qui faites appel à eux en premier", souligne-t-elle. "Vérifiez bien en amont la qualité de l’opérateur en ligne ou de la personne qui vous appelle. Sont-ils bien enregistrés auprès des autorités ? Quels types d’agrément ont-ils ? Prenez le temps de répondre à ces questions".

Si vous êtes victime d’une arnaque, signalez-la sur le site l’AMF, qui met à jour une liste noire, et portez plainte. Il sera cependant difficile de récupérer votre investissement.

Comment pouvez-vous alors vous éduquer à la finance pour être sûr qu’un investissement vous convient ?

Placements financiers : informez-vous et demandez de l’aide à un professionnel

"Les acteurs du marché français ont une obligation liée à la réglementation pour protéger les épargnants. Un organisme ayant les agréments doit connaître ses clients afin de leur proposer un produit adapté à leur patrimoine, ainsi qu’à leurs connaissances des marchés financiers. Vous devez mettre régulièrement à jour votre profil d’épargnant pour vous assurer que vous êtes toujours en capacité d’utiliser les services suggérés", recommande la fondatrice de Spak.

"Si Internet et les réseaux sociaux permettent d’avoir accès à un grand nombre d’informations, vous pouvez aussi consulter les médias traditionnels et financiers pour vous former. Écoutez des podcasts sur le sujet, inscrivez-vous à des newsletters… Si vous avez du temps et êtes proche de la retraite, n’hésitez pas à vous documenter", conseille-t-elle.

Et de conclure : "Vous pouvez également faire appel à un conseiller financier ou patrimonial lorsque vous avez un petit pécule à investir. Vous pourrez ainsi mieux comprendre ce à quoi vous pouvez avoir accès, le fonctionnement des produits et leurs risques. Certes, cela nécessite un petit investissement pour être bien accompagné, mais ce procédé reste plus prudent."