Réforme des retraites : l'alliance surprise des syndicalistes Phlippe Martinez et Laurent Berger qui pourrait faire plier la Macronie© Villette Pierrickabacapress
Contre toute attente, les syndicalistes Laurent Berger (CFDT) et Philippe Martinez (CGT) bataillent ensemble contre la réforme des retraites et deviennent les piliers de la contestation sociale. Mais ce front commun surprend. Retour sur une relation... tumultueuse.
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Le débat sur la réforme des retraites touche à sa fin. Depuis quelques semaines, le pays est rythmé par les grèves et les manifestations. Jeudi 16 février c’est la cinquième journée de mobilisation massive. La lutte continue pour empêcher l’adoption du projet. Les syndicats ne lâchent rien, ils ont d’ailleurs appelé à un durcissement de la grève dès le 7 mars prochain. En tête de gondole, deux visages bien connus du syndicalisme Français, Pierre Berger et Philippe Martinez, mènent la danse et s'affichent ensemble pour faire plier la Macronie.

Laurent Berger et Philippe Martinez : une alliance inattendue

Les secrétaires généraux de la CGT et de la CFDT envisagent tous les deux de quitter leur fonction prochainement. Leur carrière militante semble donc derrière eux, pour autant pas question de faiblir au sujet de la réforme des retraites.

Le 7 février dernier, Berger et Martinez marchaient ensemble en tête de cortège. Une première depuis 2010. Lors de la troisième journée de mobilisation, ils tiennent une banderole en se souriant : «Travailler plus longtemps, c’est non !» L’image est troublante quand on connaît le passif des deux hommes, mais bien réelle. Leurs déclarations concordent, dans les médias, ils se soutiennent et tentent de convaincre l’opinion publique de l’urgence d’une mobilisation encore plus importante. 

D’ailleurs lorsque le Président de la République a appelé  les syndicats depuis Bruxelles à ne pas bloquer le pays Berger et Martinez n’ont pas hésité à répliquer en faisant bloc. D’abord, Laurent Berger s’est emporté : «Pourquoi on nous appelle, nous, aujourd'hui, à ne pas bloquer le pays? (...) Excusez-moi, mais bordel, on n'est pas responsables depuis le début?» en précisant que les cheminots n’ont pas bloqué le pays pour les vacances scolaires,  Philippe Martinez a quant à lui affirmé : «On pourrait lui renvoyer la politesse: on compte sur l'esprit de responsabilité du président de la République et du gouvernement pour qu'on ne soit pas obligés d'amplifier les grèves et d'avoir des grèves reconductibles» avant d’ajouter : «Quand il y a un tel mécontentement dans le pays et qu'on a l'esprit de responsabilité justement, eh bien, on écoute». 

Jeudi 16 février, ils seront ensemble à Albi. Toujours pour marquer les esprits, en choisissant la capitale du Tarn pour manifester, les leaders syndicaux ont voulu mettre en lumière la contestation qui grandit dans les villes moyennes et montrer que tout ne se joue pas à Paris, comme l’explique La Dépêche.

Martinez et Berger : deux visions différentes du syndicalisme 

Pourtant, personne n’aurait parié sur leur alliance au vu de leur passif. Toujours en lutte, mais jamais ensemble. Déjà leurs personnalités les opposent. Si le premier Laurent Berger, 54 ans secrétaire générale du premier syndicat de France la CFDT(un syndicat “réformiste”) apparaît plutôt calme l’autre Philippe Martinez, 61 ans, secrétaire général de la CGT(un syndicat “contestataire”) est beaucoup plus vindicatif.

Concernant la réforme des retraites, Raymond Soubie, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy a exprimé à au sujet de Berger dans les colonnes du Figaro : “Laurent Berger est fidèle à ses gènes de syndicaliste réformiste et moderne. Il se montre à la fois solidaire et résolu mais aussi modérateur”. Au sein du camp macroniste, nombreux sont ceux qui regrettent qu’il ne soit pas un interlocuteur régulier du gouvernement. 

Pour Philippe Martinez, c’est un peu différent, c’est un “syndicaliste né”. Il commence sa carrière chez Renault en 1982, comme technicien. Chez Renault, il «ouvre sa gueule», «toujours poliment», se souvient un élu CFE-CGC qui s'est frotté à lui dans les années 2 000. «Le convaincre était mission impossible. Je ne l'ai jamais vu signer un accord. Même pas les 35 heures.» raconte t-il au journal Libération. Ses combats c’est dans la rue qu’ils les mènent dès le départ. Aussi, lorsqu'il prend la tête de la CGT il la veut : «Créative, moderne, innovante, combative.»

En clair, Martinez est un homme d’action, Berger de négociation et dès le départ ils adoptent des tactiques bien différentes, influencées par leur parcours personnel. Comme l’explique un article du Figaro, Laurent berger reste marqué par la doctrine sociale de l'Église, même si la CFDT est séparée de la CFTC (chrétienne) depuis 1964. Pour Philippe Martinez, c’est une tout autre vision du syndicalisme, celle du marxisme de la «lutte des classes» et de la subordination.

Martinez et Berger : plusieurs années de désaccord

Tout commence en 2015 lorsque Philippe Martinez arrive à la tête de la CGT, il tourne le dos à la CFDT et renonce au dialogue avec Laurent Berger lors de la mobilisation sur la loi travail de Myriam El Khomri. Lors d’un discours à Marseille en 2016, Martinez sera sans équivoque à propose de la CFDT en parlant de : «l'erreur que nous avons faite ces dernières années en favorisant peut-être nos relations avec la CFDT au moment de l'accord puis de la loi sur la représentativité»

Un an plus tard, face à la loi Travail de François Hollande, les deux font apparaître des dissensions majeures. Laurent Berger finit par soutenir le texte lorsque Philippe Martinez prend, lui, la tête de la contestation dans la rue.

Puis, en 2019, Laurent Berger soutient l’idée d’un système universel de retraite à points voulu initialement par Emmanuel Macron. Philippe Martinez ne veut pas en entendre parler.

Tout va basculer lors du débat sur l’âge Pivot, Berger change son fusil d’épaule.

C’est parti pour un dernier tour de piste pour ces nouveaux compères avant de raccrocher les gants.