Affaire Dupont de Ligonnès : et si le père de famille avait refait sa vie en Argentine ?AFP
Depuis la découverte des corps de sa femme et de ses quatre enfants, Xavier Dupont de Ligonnès est le suspect numéro 1 de cette affaire fascinante. Auteure du "Disparu", Anne-Sophie Martin a retracé cinq ans d'enquête et imaginé la vie que le père de famille pourrait aujourd'hui mener. Entretien.

Planet : Plusieurs années après, l’affaire Dupont de Ligonnès continue de fasciner. Pourquoi, selon vous ?

Anne-Sophie Martin* :  Je ne pensais pas que la sortie de mon livre aurait un tel retentissement médiatique. Cette affaire me passionne depuis plusieurs années mais j’étais loin d’imaginer que c’était aussi le cas pour plein d’autres personnes. Plusieurs raisons peuvent expliquer cet engouement. Je pense notamment au fait qu’on ne connait pas le fin mot de l’histoire et que plusieurs questions restent sans réponse. Tous ces mystères excitent l’imagination. Le milieu social de la famille y est également pour beaucoup. C’était ce que l’on appelle ‘une bonne famille française’, catholique, bourgeoise et bien sous tous rapports. Il ne faut pas non plus oublier la personnalité du père de famille. Xavier Dupont de Ligonnès n’avait jamais commis d’écart et tout d’un coup, il est devenu le suspect numéro 1 d’une tuerie. Toute cette part sombre de sa personnalité intrigue les gens.

Planet : Xavier Dupont de Ligonnès (XDDL) donne l’impression d’être un monstre qui a tué sa femme et ses enfants. Et pourtant, vous n’hésitez pas dans votre livre à évoquer un ‘papa poule’…

Anne-Sophie Martin : XDDL est était homme charismatique, entreprenant et plein d’idées, mais aussi un père bienveillant à l’égard de ses enfants. En enquêtant, j’ai trouvé des photos sur lesquelles on le voit très protecteur avec eux. C’était un père très affectueux qui rigolait avec ses enfants. Une attitude d’autant plus surprenante qu’elle n’est pas habituelle dans ce milieu où les gens se vouvoient souvent en famille. Les Ligonnès renvoyaient l’image de la famille unie, presque modèle. Je pense que le père avait un souci personnel, une faille qui s’est agrandie à cause de leurs soucis financiers et qui l’a poussé à commettre l’irréparable. Acculé financièrement, XDDL avait selon moi très peur de l’échec, de la faillite et de la déchéance sociale à 50 ans.

Planet : Pour vous, pas de doute, XDDL est vivant. Qu’est-ce qui vous fait penser cela ?

Anne-Sophie Martin : Au départ, je n’en avais pas la conviction et d’ailleurs son entourage était lui aussi partagé entre l’idée du suicide et celle de la cavale. Mais l’organisation dont il a fait preuve, et que j’ai découverte au cours de mon enquête, n’est pas celle d’un homme désespéré mais plutôt d’un homme déterminé. XDDL a véritablement mis sa maison en scène pour faire croire à un départ : les draps avaient été retirés des lits, les armoires étaient ouvertes, des cartons traînaient un peu partout…

Planet : Dans votre livre, vous imaginez la suite de la cavale de XDDL…

Anne-Sophie Martin : Plusieurs éléments me font penser qu’il a pu fuir en Argentine. D’abord, parce qu’il ne peut pas être en Europe à cause du mandat Interpol dont il fait l’objet. Ensuite, parce qu’avant lui, plusieurs personnes - les nazis notamment - s’y sont réfugiées et ont réussi à démarrer une nouvelle vie. Ce pays offre par ailleurs de magnifiques paysages de western que XDDL affectionne particulièrement. Enfin, on sait également qu’il n’est particulièrement attiré par l’Asie et qu’il parle très bien espagnol. 

Affaire Dupont de Ligonnès : toutes les folles théories envisagéesAffaire Dupont de Ligonnès : toutes les folles théories envisagéesSept ans après avoir retrouvé les corps de cinq membres de la famille Dupont de Ligonnès, la police continue son enquête. Le père, principal suspect, est donc toujours introuvable, ce qui donne lieu...

Je l’imagine donc bien avoir refait sa vie là-bas en ayant complètement occulté sa première vie en France. De toute façon, pour survivre après une telle tuerie, on ne peut pas être dans le remord. Il faut impérativement savoir tirer un trait, mettre un voile noir bien opaque.

Planet : Imaginez qu’il ait réussi à se procurer votre livre : quelle pourrait être sa réaction ?

Anne-Sophie Martin : Je ne sais pas trop… Un de ses proches m’a dit un jour qu’on pourrait croire que j’ai été à l’école avec lui. J’aimerais bien qu’il se dise que j’ai réussi à cerner sa personnalité".

*Anne-Sophie Martin est l'auteure de Xavier Dupont de Ligonnès - Le Disparu (éd. Ring)