La place de "l'islam militant " en France au cœur d’une enquête AFP
Deux journalistes du Figaro décrivent, principalement à travers des témoignages, une “tendance à l'affirmation identitaire” religieuse musulmane en France.
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Sujet brûlant s'il en est, la place de l’islam en France - réelle ou supposée - continue de faire couler de l’encre. Dans son numéro paru le 3 mai, le Figaro magazine publie ainsi une enquête signée Nadjet Cherigui et Judith Waintraub titrée “comment l’islam militant transforme la France”. 

Derrière le terme d’islam “militant” utilisé dans l’article du Figaro, ce sont en particulier des cas davantage de la radicalisation qui sont pointées du doigt, mais aussi plus généralement, une progression supposée de pratiques et de revendications religieuses dans plusieurs secteurs économiques. 

Education et enseignement supérieur

Ce serait le cas en particulier dans l’éducation. En la matière, les journalistes donnent notamment la parole à un assistant d’éducation en Seine-et-Marne qui constate “ces dernières années, une bigoterie exacerbée chez certains jeunes (...) bien plus marquée que chez leurs parents ou grands-parents”. Le témoin décrit des moments de tension lors des périodes de ramadan, quand les “élèves, même s’ils jeûnent, doivent se rendre au réfectoire”. Il rapporte en outre le cas d’un autre étudiant “passé à tabac” dans la cour car considéré comme “sataniste”, et d’un enseignant menacé. Un autre témoin, professeur dans les Hauts-de-Seine, dénonce, entre autres, un “déni” de la part des représentants syndicaux.

Les autrices abordent plus tard le fameux “islamo-gauchisme”, terme controversé et dont la réalité scientifique est réfutée notamment par des chercheurs du CNRS. L’expression avait été reprise dans le cadre d’un projet d’enquête que l’ancienne ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Frédérique Vidal, avait - en vain - tenté de lancer en 2023 auprès des universités

Santé : des refus de soin ?

Les journalistes évoquent par ailleurs le milieu hospitalier, en particulier en gynécologie, avec un cas de femme enceinte refusant d’être examinée par un homme. “De nombreux établissements consentent à des ‘accommodements raisonnables’ avec l’islam littéral” écrivent-elles. Ce, en dépit de chartes de laïcité, signées par les hôpitaux et qui interdiraient en principe d’accéder aux “demandes confessionnelles” de la part de patients. Elles citent un infirmier témoignant de façon anonyme selon lequel ces arrangements interviendraient “par découragement” mais aussi “parce que de plus en plus de soignants sont eux-mêmes des pratiquants rigoristes”. Il est aussi question du droit à l’avortement, qui serait remis en causes par des pratiques de certains médecins qui “antidatent les grossesses”, selon un chirurgien, témoignant lui aussi de façon anonyme.

En matière de soins palliatifs, une infirmière évoque pour sa part la présence dans son unité de soin, de membres de “BarakaCity” venus prêcher. Cette association a été dissoute en 2020. “Mais la relève devrait être assurée : le voile et la barbe sont désormais des accessoires banales cher les étudiants en médecine en France”, est-il écrit dans le texte. Aucun élément précis ne permet de mettre précisément cette affirmation en perspective.

Des chiffres à manier avec précaution

En revanche, l’enquête est bien agrémentée de chiffres. Il s’agit en particulier de quatre graphiques avec des données ouvertes à l’interprétation. L’un, contenant des chiffres de l’Insee et de l’Ined, montre ainsi que si, globalement, une majorité descendants d’immigrés musulmans d’origines maghrébine, africaine ou moyen-orientale déclarent partager la religion de leurs parents ou grand-parents, cette affiliation décroit avec les générations. Par exemple, 89% d’immigrés d’Algérie se déclarent musulmans, mais les descendants d’immigrés algériens ne sont plus que 64% à le faire. Ce qui n’est pas spécialement souligné dans l’article et contredit en partie le premier témoignage.  

Les autres données concernent les nouveaux immigrés (ceux qui ont récemment obtenu une carte de séjour), lesquels seraient majoritairement ressortissants de pays musulmans. Un autre graphique est tiré des travaux du sondeur Jérôme Fourquet et du géographe Sylvain Manternach. Il met en relation deux jeux de données dont aucun lien de causalité n’est mathématiquement établi. Y sont pourtant corrélés le nombre de nouveaux récipendiaires de titres de séjours provenant de pays extérieurs à l’espace économique européens, et l’augmentation du nombre de garçon ayant reçu un prénom musulman en France. Or corrélation n’est pas causalité, quand bien même une juxtaposition graphique pourrait le laisser croire. Enfin, dernier jeu de données mis en avant : la proportion de femmes musulmanes portant le voile, en hausse en France, que ce soit chez les immigrées (surtout en provenance de Turquie et du Moyen-Orient), ou leurs descendantes. 

Plus généralement, l’article évoque aussi des “revendications islamiques” dans d’autres secteurs économiques, tels que les transports, les télécoms ou la cybersécurité.