Remaniement : comment ces ministres tentent-ils de sauver leur place ? ©Xinhua/ABACAabacapress
Le remaniement est pour bientôt. En attendant la décision du chef de l'Etat, les ministres les plus menacés tentent par tous les moyens de conserver leur place au gouvernement. Quelles sont leurs stratégies ? Ont-elles une chance de réussir ?
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Les "100 jours" touchent à leur fin. Début avril 2023, Emmanuel Macron s’était fixé trois mois pour tourner la page des retraites. Il avait alors choisi comme date bilan le 14 juillet. Or, dans le contexte actuel de contestation depuis la mort tragique de Nahel M. le 27 juin, les Français attendent avec impatience un changement dans les rangs de l’exécutif.

Les rumeurs grossissent et certains ministres se savent d’ores et déjà sur la sellette. Dans l’attente d’une décision du chef de l’Etat, ils font "attention à ne pas commettre d'erreurs dans le money time [le moment où tout se joue]", "tout le monde est sur la défensive", explique une ancienne secrétaire d'Etat à franceinfo. Alors, les ministres fragiliséstentent par tous les moyens de sauver leur place.

Remaniement : dire oui à tout ?

Pour convaincre le président de la République de les garder, certains ministres recourent à la stratégie du bon élève pour donner l’impression au chef de l’Etat que le travail est bien fait. "Il y a une vraie continuité, pas d'arrêt, pas de paralysie. Au contraire, ça s'intensifie", avance par exemple l’entourage de Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, potentiellement sur le départ, à franceinfo. De plus, dans ce contexte d’incertitude, les ministres n’osent plus s’opposer à Elisabeth Borne. Ainsi, une conseillère ministérielle reconnaît qu’on "est plus précautionneux et on dit beaucoup moins facilement non à Matignon."

Le ministre fragilisé doit faire oublier son manque de visibilité. Pour cela, il faut souligner le travail achevé, ne rien refuser, mais aussi se présenter comme indispensable. Certains se pensent ainsi à l’abri car en charge de réformes importantes. Pourtant, selon un conseiller, cela ne signifie en rien une longévité assurée : "Quelqu'un peut très vite prendre la suite", quelque soit le sujet traité. Mais alors, comment s’assurer les bonnes grâces du président ? D’autres ministres ont choisi la stratégie de la proximité.

Remaniement : suivre le chef de l’Etat partout ?

"Il y a un travail humain à faire avec la Première ministre et le président de la République, car il faut plaire aux deux", explique une ancienne membre de l’exécutif à franceinfo. Alors, dans le contexte de remaniement éminent, les ministres multiplient les déplacements en compagnie d’Emmanuel Macron.

Mais cette stratégie peut se révéler inefficace. "Christophe Béchu a collé aux basques du président ces derniers temps, alors que sa présence n'était pas pertinente pour tous les déplacements", critique un conseiller ministériel. "Il faut mesurer son effort, sinon ça devient vite saoulant", renchérit une ex-secrétaire d'Etat. "Quand le chef de l'Etat décide de changer un ministre, ce n'est pas parce qu'il ne l'a pas assez vu dans les 15 derniers jours, c'est parce que lors de multiples réunions, on a vu qu'il ne connaissait pas ses dossiers, ou qu'il n'avait pas d'idée...", conclut un autre conseiller ministériel. Afin de faire oublier les erreurs passées, certains ministres s’emploient alors à occuper davantage la scène médiatique.

Remaniement : médias, me voilà

"Les ministres qui se sentent plus fragiles essaient d'avoir une présence plus forte dans les médias ou d'échanger davantage avec les parlementaires", explique Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture lors du premier mandat d’Emmanuel Macron, à nos confères de franceinfo. "Certains font plus de médias, comme Pap Ndiaye, qui parle plus souvent, notamment en presse écrite. Le ministre délégué en charge de la Ville et du Logement, Olivier Klein, est lui aussi plus actif, alors qu'il ne s'est pas passé grand-chose pendant un an. Là, il se bouge", ajoute une ex-ministre. Si Olivier Klein est davantage sollicité dans le contexte de contestation urbaine, d’autres ministres ne sont pas autant médiatisés.

Pire, multiplier les interventions médiatiques peut être dangereux. "Ça peut être contre-productif : il y a un risque de se prendre les pieds dans le tapis en faisant une bourde, justement parce que vous n'avez pas fait assez de médias avant... C'est un peu tard pour se montrer !" analyse un ancien conseiller ministériel pour franceinfo. "Et tu n'auras même pas le temps de rattraper la bourde", conclut un autre conseiller.