Emmanuel Macron veut "élargir" le référendum : qu'est-ce-que ça signifie ?Accorsini Jeanne/Pool/ABACAabacapress
A l'occasion du 65ème anniversaire de notre Constitution, le président de la République a proposé une double révision de l'article du texte fondamental portant sur le référendum. Le chef de l'Etat souhaite en faciliter l'utilisation par les citoyens et parlementaires pour répondre" aux "aspirations démocratiques de notre temps". C'est-à-dire ?
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Il y a ceux qui la remplaceraient sans hésitation par une VIème, et ceux qui n'y touchent qu'avec une extrême frilosité, tant elle incarne la stabilité. La Constitution, Vème du nom en France, pourrait bien connaître quelques changements dans les mois à venir. A l'occasion de la célébration des 65 ans du texte du 4 octobre 1958 qui coiffe la pyramide du droit français, le chef de l'Etat a exprimé sa volonté de "donner plus de force à la souveraineté populaire" et de "répondre" aux "aspirations démocratiques de notre temps".

L'idée exposée par Emmanuel Macron est la suivante : "mener à son terme", l'extension du champ du référendum, prévu par l'article 11 de la Constitution,  afin que celui-ci puisse être utilisé pour les "réformes relatives aux questions de société". Aujourd'hui, le texte ne prévoit le référendum que pour le vote dans trois thématiques : la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et les services publics qui y concourent ; et la ratification d'un traité. Dans ces domaines, le Président de la République, sur proposition du gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi. 

Le référendum d'initiative partagée facilité

Emmanuel Macron propose également de faciliter l'utilisation du référendum d'initiative partagée (RIP) qui peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement (soit 185 députés et/ou sénateurs), soutenu par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. La gauche aurait bien voulu le dégainer lors de la lutte sur la réforme des retraites, mais la demande de loi référendaire a été rejetée par le Conseil constitutionnel. Le président s'est dit ce 4 octobre favorable à une mise en oeuvre "plus simple" du RIP en revoyant notamment les "seuils" requis : dans son projet de 2019 figurait notamment l'abaissement du nombre de signatures de parlementaires nécessaires (d'un cinquième à un dixième) et de citoyens nécessaires (de 4,7 millions à 1 million). 

Une procédure de révision lourde

Dans le cas d'une mise en route effective d'une nouvelle révision enfin d'élargir le champ d'application du référendum, de nombreuses étapes sont a respecter, détaillées à l'article 89 du texte : il faudrait ainsi un accord du président de la République et du gouvernement, un accord de chacune des deux chambres du Parlement, et, selon les modalités choisies par le Chef de l'Etat, un accord des deux chambres du Parlement réunies à la majorité des 3/5e, ou un référendum citoyen. La procédure avait échoué sous François Mitterrand en 1984, les deux Chambres, Assemblée nationale et Sénat, ne parvenant pas à se mettre d’accord. La procédure est donc lourde, et le chemin très long avant la possible révision de la Constitution, dans un paysage politique schlérosé. 

Un référendum sur la question de l'immigration ?

Par ailleurs, l'initiative du président de la République intervient dans un contexte très particulier : celui du vote de la loi sur l'immigration autour de laquelle les débats doivent commencer à l'automne. La droite et l'extrême-droite plaident dans ce cadre pour un élargissement du champ du référendum aux "réformes relatives aux questions de société", afin d'englober la question de l'immigration et du droit d'asile. Un espoir auquel le chef de l'Etat a voulu mettre le holà : "Etendre le champ du référendum ne peut permettre de se soustraire aux règles de l'État de droit", a-t-il prévenu. On ne révise pas la Constitution sous le coup de l'émotion". En clair, un référendum ne peut s'affranchir du droit européen en matière d’immigration. Emmanuel Macron a d’ailleurs rappelé le caractère intangible du droit d’asile comme "limite" fixée par la loi fondamentale. 

Un risque d'"instabilité" décrié

Face à la volonté de révision du président, un dernier avertissement a été formulé parl’ancien président du Conseil Constitutionnel Jean-Louis Debré sur Public Sénat. "Peut-être qu’il faut ouvrir le champ de référendum", a-t-il tout d’abord concédé sur Public Sénat. "Mais attention : les constituants ont voulu une harmonie entre la démocratie directe du référendum et celle représentative du sénat et de l’AN. Attention à ne pas opposer les deux". Le constitutionnaliste craint "une instabilité" d'autant que, juge-t-il, "l’utilisation des référendums depuis le début de la Ve République montre que, bien souvent, nos concitoyens ne répondent pas à la question posée, mais à une question de confiance à l’égard du président".