Le dîner à Versailles avec le couple royal ne risque-t-il pas de donner "à nouveau l’image" d’un président monarchique à Macron ?AFP
Ce mercredi 20 septembre, le roi Charles III et son épouse Camilla atterrissent en France pour une visite d'État de 3 jours avec un programme royal. Pour sa première soirée dans l'Hexagone, le couple dînera dans la galerie des Glaces du Château de Versailles. Un lieu qui illustrait autrefois le pouvoir de Louis XIV, de quoi rappeler l'image "jupitérienne" d'Emmanuel Macron.
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Un faste royal au cœur de la République.  Avec son invitation à dîner à Charles III dans  le décor somptueux du château de Versailles , le président Emmanuel Macron ne risque t-il pas de réinstaller l’image "d’un monarque absolu" dans une France à la peine, six mois après la crise des retraites ?

"Un président déconnecté"

Il est désormais trop tard pour faire machine arrière. Car le dîner est déjà lancé et sera donné, ce mercredi soir, dans la galerie des Glaces : lieu le plus emblématique du château, destiné à l’origine à célébrer la toute-puissance de Louis XIV, le Roi Soleil. Le but :  éblouir ses visiteurs. Parmi les 150 à 180 convives : membres du gouvernement, de grands patrons et quelques personnalités publiques.

" Cette image-là, dans ce contexte-là, c’est évidemment fondamentalement nuisible pour Emmanuel Macron, même s’il y a des impératifs diplomatiques derrière qui jouent aussi", estime Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’université Paris 2 Panthéon-Assas au journal Le Télégramme. Il rappele également que la période du 20 septembre est aussi associée à la naissance de la République, en 1792." La date n’est pas bonne, l’image n’est pas bonne, et ça renvoie à une séquence assez particulière, la réforme des retraites", ajoute t-il.  Prévue initialement au printemps, la visite de Charles III et Camilla, avait avorté en raison des violentes manifestations liées à cette crise.

Les tensions autour de la réforme des retraites retombées, le président de la République s'est empressé de relancer son deuxième quinquennat après un démarrage difficile. Mais la défiance des Français à son égard reste profonde. Les enquêtes d’opinion parlent d'un président compétent, incarnant bien l’international, mais également aussi orgueilleux, pédant et déconnecté", souligne Benjamin Morel. Un choix risqué donc ... qui pourrait ravivé une haine sous-jacente.

Faire resurgir "la pulsion régicide"

L'organisation de ce dîner royal à Versailles n'est donc pas sans risques et  pourrait tourner au vinaigre. Comme lors de la crise des gilets jaunes, en 2018, qui avait déclenché une flambée de mécontentement social autour des retraites au printemps dernier :  "Louis XVI, on l’a décapité ! Macron, on peut recommencer ! ", avait alors lancé le conseiller régional Ile-de-France apparenté LFI Christophe Prudhomme.

"Jamais, sans doute, on n’a atteint un tel niveau de haine envers le chef de l’État, faisant resurgir ce tropisme séculaire, issu de la Révolution française : la pulsion régicide", relève l’historien Jean Garrigues. Du côté de l’Élysée, on balaie par avance tout procès en monarchisme absolu, tout en restant peu disert sur le banquet de mercredi, qui devrait compter 150 à 180 invités, loin du faste passé... Mais pourquoi avoir choisi Versailles ?

"C’est la France qui reçoit"

Le choix de Versailles répond avant tout à un souhait de Charles III, "sensible à l’idée de marcher dans les pas de sa mère", et à une volonté de" faire rayonner la France" à travers un de ses sites les plus prestigieux, avance la présidence. Elizabeth II a été le chef d’État étranger le plus reçu à Versailles, en 1948 (alors princesse héritière), en 1957, quand un déjeuner fut servi en son honneur dans la même galerie des Glaces, et en 1972. 

"Depuis la reine Victoria, à chaque fois qu’on a voulu marquer une relation privilégiée avec l’Angleterre, il y a eu une réception au château de Versailles", pointe l’historien Fabien Oppermann, auteur du "Versailles des présidents". Comme le général de Gaulle, Emmanuel Macron en a fait une carte de visite diplomatique de premier plan, y accueillant le président russe, Vladimir Poutine, en mai 2017, et y présidant un sommet européen, en mars 2022.

"À Versailles, c’est la France pluriséculaire qui reçoit", relève l'historien Fabien Oppermann. "C’est vraiment l’histoire de la France telle qu’on l’imagine avec la centralisation de Louis XIII et Louis XIV, la Révolution française, Louis-Philippe, Napoléon. Dans un palais qui a servi de modèle à nombre de résidences impériales européennes, de Schönbrunn, à Vienne, au Peterhof de Saint-Pétersbourg. Pour conclure : " il n’y a bien que les Français pour s’offusquer de l’utilisation du château de Versailles pour ce type de manifestations diplomatiques".