Un nouveau scandale Benalla-Macron ? Ce que l'on sait de l'affaireIllustration abacapress
Le tandem Emmanuel Macron-Alexandre Benalla se trouve mis en cause par le média d'investigation Médiapart, pour son rôle supposé dans la vente par une société française de cybersurveillance d'un logiciel espion à l'Arabie Saoudite (entre autres) après l'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi.
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La France, peu scrupuleuse sur ses partenaires économiques dès lors qu'ils dégagent du bénéfice ? Dans une enquête de longue haleine, le média d'investigation Mediapart met en cause Emmanuel Macron et Alexandre Benalla. Lui encore. Eminence grise déchue de la présidence, le nom de cet ancien agent de sécurité mis en cause dans le molestage d'un manifestant en 2018 ne s'associe qu'à de sombres affaires. Celle qui occupe la Une de Mediapart est l'aboutissement de l'enquête nommée "Predator Files : comment la France a aidé des dictatures à espionner leur peuple" et menée par quinze médias internationaux coordonnées par le réseau européen d'investigation EIC. Sur la base de documents confidentiels, les journalistes ont enquêté sur la société de cybersurveillance tricolore Nexa Technologies, qui fait depuis 2018 l'objet d'une enquête pour "complicité de torture" en Libye et en Egypte suite à la vente de système de surveillance internet à ces pays. Depuis 2019, l'entreprise a fait développer un logiciel espion conçu pour siphonner les téléphones portables, nommé Predator. L'outil a été vendu à "au moins trois autocraties : l’Egypte, le Vietnam et Madagascar" dévoile l'enquête, et est mis en cause dans un scandale d’écoutes en Grèce, ayant visé des journalistes. Et ce n'est pas tout. 

L'ombre de l'assassinat de Jamal Khashoggi

Le consortium a également mis à jour des transactions entre Nexa et l'Arabie Saoudite, emirat dirigé par le prince héritier Mohammed ben Salmane, appuyées par l'Elysée. Ainsi, au printemps 2018, les dirigeants de Nexa Technologies se sont entretenus avec Emmanuel Macron en personne, mais aussi avec un chargé de mission du cabinet présidentiel du nom d'Alexandre Benalla, pour présenter l'entreprise. A partir de 2020, le même Alexandre Benalla, recyclé dans la sécurité privée après les affaires qui l'ont éclaboussé en 2018, aurait appuyé Nexa dans ses démarches commerciales avec l'Arabie Saoudite pour le logiciel Predator, développé par la société Intellexa. L’enquête judiciaire ne le dit pas, mais des études techniques du Citizen Lab de Toronto et d’Amnesty International "ont conclu que le logiciel espion est probablement utilisé par les autorités saoudiennes", écrit Mediapart.

Problème : la France est à ce moment-là officiellement en froid avec l'émirat, suite à l'assassinat du journaliste saoudien d'opposition Jamal Khashoggi à l'ambassade saoudienne d'Istanbul, meurtre dont le prince Mohammed ben Salmane est soupçonné d'être le commanditaire. Le "dégel" officiel des relations entre la France et l'Arabie Saoudite, forcé par l'interruption des importations de gaz russe, n'interviendra que bien plus tard, lors de l'invitation à l'Elysée de Mohammed ben Salmane en juillet 2022. La visite a d'ailleurs suscité de très nombreuses critiques, à peine 4 ans après l'opération sanglante contre Jamal Khashoggi, torturé et tué avant d'être démembré et dissimulé.

Le n°3 de Nexa était macroniste

Contactés par Mediapart, l'Elysée, et le ministère de l'Economie, qui délivre les autorisations d'exportations et par lequel a donc dû passer Nexa pour ses transactions avec Ryad, n'ont pas répondu. De leur côté, les dirigeants et principaux actionnaires de Nexa, Stéphane Salies et Olivier Bohbot assurent au média que "dans plusieurs des pays litigieux [cités], nous avons non seulement obtenu une autorisation d’export mais aussi n’avons fait qu’emprunter la voie d’une coopération étroite engagée par la France avec ces mêmes pays". L'enquête du consortium établit également que "le numéro 3 de Nexa a participé à la campagne présidentielle 2017 d’Emmanuel Macron"

Pas d'éthique au pays du commerce

Des faits et des déclarations qui laissent donc supposer l'existence de liens dissimulés entre la France et le régime sanguinaire saoudien, juste après le meurtre de Jamal Khashoggi. Du côté de Nexa, on ne s'embarasse pas de l'éthique. A peine si Stéphane Salies a reconnu en garde à vue en 2021 que l'Arabie Saoudite avait fait "un peu n'importe quoi" en tuant le journaliste. Pas de quoi rompre un partenariat fructueux. "Les documents internes suggèrent en tout cas que Nexa ne semblait préoccupé ni par les droits de l’homme ni par le respect pointilleux de la réglementation", concluent des journalistes auteurs de l'enquête, Yann Philippin et Antton Rouget.

Une enquête au point mort

L'enquête qui vise Nexa pour "complicité de torture" est actuellement au point mort. "Les magistrates n’ont pas la permission de mener de nouveaux actes d’enquête sur l’Arabie saoudite, ni pour vérifier si Nexa lui a vendu un logiciel espion ni au sujet du rôle d’Alexandre Benalla", détaille Mediapart.  Quant à ce dernier, condamné à ce jour à trois reprises, et notamment pour des violences contre des manifestants en 2018, on se demande quelle fût l'étendue exacte de son entremise dans les négociations entre Nexa et l'Arabie Saoudite, alors que l'Elysée avait officiellement coupé les ponts avec l'ancien chargé de mission.