Le retour en politique de Jérôme Cahuzac, dix ans après©Simonet D/ANDBZ/ABACAabacapress
Après avoir été condamné pour fraude fiscale et blanchiment d'argent en 2018, l'ancien ministre du Budget est de retour dans sa circonscription du Lot-et-Garonne. Ce jeudi 23 novembre 2023, il tenait même une réunion aux allures de retrouvailles politiques.
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"Ca va Jérôme ? Tu as fait des cheveux blancs depuis la dernière fois. A peine...". Dans la salle des fêtes de Monsempron-Libos, dans le Lot-et-Garonne, certains ne l’ont pas vu depuis 10 ans. Quelque 150 soutiens se sont réunis jeudi soir pour voir "l’animal" comme le dit l’un d’entre eux, quelques curieux et des vieux amis, venus pour une poignée de main et des retrouvailles, comme le résume La Dépêche. L’ancien ministre du Budget de François Hollande connait bien le territoire : il a été député de la circonscription entre 2007 et 2012, et maire de Villeneuve-sur-Lot pendant 11 ans.

Au pied de l’estrade, Jérôme Cahuzac, aujourd'hui âgé de 71 ans, prend le micro pour directement "crever l’abcès" dit-il. "J’ai commis une immoralité quand j’ai menti à l’Assemblée, sans voir que ce que je disais aller blesser profondément des dizaines de milliers de personnes. Mais j’ai assumé, et en assumant, j’estime avoir eu une attitude morale". Avant de décrire ce qu’il appelle lui-même son "chemin de rédemption" : "D’abord, j’ai appliqué une règle : un condamné, ça purge sa peine et ça ferme sa gueule. Ensuite, j’essaie de réparer. Trois semaines au Bangladesh sur un bateau hôpital, six mois bénévolement dans un dispensaire à Paris. J’ai tenté d’aider, là où personne ne voulait aller".

Des regrets et un constat amer

Cinq ans plus tard, il avait été condamné en 2018 pour fraude fiscale à quatre ans de prison, dont deux avec sursis, et cinq ans d'inéligibilité. "Si je ne m'exprime que maintenant c'est parce qu'un condamné ça purge sa peine et ça ferme sa gueule", a précisé l'ancien maire de Villeneuve-sur-Lot, âgé de 71 ans.

"Je récuse le procès qui m'est fait qui consisterait à m'interdire d'aller où je souhaite aller, de rencontrer qui veut me rencontrer et de dire ce que je pense." Fort de cette liberté de parole retrouvée, il n'épargne personne. "Le paysage politique est dévasté", assène-t-il. La gauche est ravagée. Tant que la gauche sera dominée par La France insoumise, aucune prise de pouvoir n'est envisageable".

Un retour ambitieux ?

Pendant plus de 2 heures, Jérôme Cahuzacexpose ensuite sa vision de la politique locale, sur les déserts médicaux, la désindustrialisation, égratigne le bilan de l’actuel maire de Villeneuve-sur-Lot, avant de disserter longuement sur la politique nationale, les émeutes, la marche contre l’antisémitisme, et il en profite pour distribuer les coups de tous côtés : la gauche "ravagée", le centre "impuissant", la droite "opportuniste".

Toutefois, il ne dira rien de ses ambitions : que vise-t-il ? Quel mandat ? Quand ? "Aucune idée", répond l’intéressé, qui jeudi soir a fui les micros, et botte en touche depuis un mois. "Je ne suis pas en campagne électorale, puisqu’il n’y a pas de scrutin", a-t-il répété jeudi. Un flou qui laisse certains de ses soutiens perplexes : "Qu’est-ce qu’il veut au juste ?" s’interroge Angel, habitant de Villeneuve-sur-Lot. "C’est ambigu. Est-ce qu’il voudrait monter son propre parti ? Il a forcément quelque chose derrière la tête".

Vers les municipales ?

En effet, "il pense à un mandat local", confirme l’un de ses amis et élu. "Peut-être la reconquête de la mairie de Villeneuve en 2026, ou récupérer le siège de député dans sa circo. Il veut laver son honneur".

Une chose est sûre : ce tour de piste fait en tous cas hurler ses adversaires locaux, comme le maire LR de Fumel Jean-Louis Costes : "Cahuzac ose tout. S’il y avait une élection présidentielle demain, il serait capable de se présenter. C’est indécent, il y a devoir d’exemplarité chez les femmes et hommes politiques. Il n’y pas que le volet judiciaire, il y aussi la moralité. Il a jeté le discrédit sur toute la classe politique, c’est indélébile. Le seul droit qu’il a, c’est de se faire oublier", juge l'élu pour Libération.